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Le discours prononcé par Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre et Président du Comité stratégique du Mouvement du 05 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), le 16 novembre 2024, s'inscrit dans un moment crucial de l’histoire politique du Mali. À travers cet acte symbolique, le Premier ministre ne se contente pas de commémorer la libération de Kidal, mais aussi de dresser un bilan et de proposer des réorientations stratégiques pour la transition politique en cours. Ce discours, dense et empreint de symbolisme, reflète non seulement l’état actuel de la politique malienne mais aussi la manière dont le M5-RFP, l’un des mouvements clés de la transition, entend orienter les choix futurs du pays.
1. Commémoration de la libération de Kidal : Un acte symbolique fort
La commémoration de la libération de Kidal ne relève pas simplement d’une question de reconnaissance historique, mais représente également un acte politique hautement symbolique. Kidal, bastion de l’insurrection touareg et foyer de tensions géopolitiques internes, incarne le cÅ“ur de la réconciliation nationale et de la mise en Å“uvre des accords d’Alger. En évoquant cet événement, Dr Choguel Kokalla Maïga souligne les progrès accomplis par le gouvernement de la transition, tout en réaffirmant l'engagement des autorités à renforcer l'intégrité territoriale du pays. Cependant, il est aussi possible d'y voir un message adressé aux différentes factions régionales du Mali : l’État est déterminé à maintenir son autorité sur l’ensemble du territoire, tout en cherchant à maintenir un dialogue ouvert avec les groupes armés qui continuent leurs activités vers le centre et le nord du pays.Â
Kidal n’est pas seulement une victoire militaire ; c’est aussi un symbole de la réussite des négociations politiques et de la nécessité d’une gestion inclusive des affaires publiques. À travers cette commémoration, Maïga rappelle que la paix ne se construit pas uniquement par la force, mais aussi par la reconnaissance des droits et aspirations des communautés marginalisées. Cependant, cet aspect pourrait aussi soulever des interrogations quant on sait que des attaques continuent à se perpétuer dans le centre du pays notamment sur l’axe Bankasse-Bandiagara.
2. Clarification de la situation politique : Une transition sous haute surveillance
L’une des dimensions cruciales du discours de Maïga réside dans la clarification de la situation politique du pays. Depuis la montée au pouvoir des militaires en 2020, qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali est plongé dans une période de transition politique et institutionnelle marquée par des tensions internes, des défis sécuritaires en plein redressement et des critiques internationales concernant la gestion de la transition. Le Premier ministre prend donc soin de redéfinir le cadre dans lequel évolue cette transition, tout en soulignant les défis auxquels le gouvernement fait face.
Dans un contexte d’instabilité, la clarification de la situation politique s'avère essentielle. Maïga aborde sans détour la complexité de la transition, en insistant sur le rôle du M5-RFP dans l’avènement de ce processus et en justifiant l’action du gouvernement vis-à -vis des défis internes et externes. L’absence de certaines figures politiques dans la gestion de la transition est également abordée, en particulier avec la montée en puissance de la junte militaire et la marginalisation des partis traditionnels. L’allocution semble vouloir réaffirmer la légitimité du gouvernement en place tout en demandant une certaine compréhension du peuple malien et de la communauté internationale.
Cependant, cette clarification laisse une place importante à l'ambiguïté, notamment en ce qui concerne le calendrier des élections et les intentions réelles du gouvernement pour sortir de la transition. À ce sujet, l’opposition et certains acteurs politiques déplorent une tendance à repousser la date des élections, ce qui alimente des tensions et des critiques sur l’opacité du processus de transition.
3. Propositions pour une réorientation de la transition : L’appel à une nouvelle vision politique
Le cœur du discours de Maïga réside dans les propositions concrètes pour la réorientation de la transition. Le Premier ministre met en avant une vision politique visant à garantir une transition plus inclusive et plus en phase avec les attentes populaires. Ses propositions semblent viser à équilibrer les exigences de stabilité avec celles du pluralisme démocratique et de la justice sociale. Le message est clair : il est essentiel de réformer les institutions de manière à les rendre plus représentatives et plus efficaces face aux défis actuels.
L'une des suggestions phare de Maïga réside dans l’inclusivité accrue des forces politiques et sociales dans les processus décisionnels. Cette approche veut rompre avec le caractère relativement technocratique et militaire de la transition actuelle. En appelant à une meilleure représentation des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés, Maïga cherche à imposer une transition plus conforme aux principes de la démocratie participative. Il est également question d’une réforme de la gouvernance locale, notamment à travers la décentralisation, afin de rapprocher l'état des populations et de mieux gérer les défis de développement dans les régions les plus reculées du pays.
Pour autant, la réorientation de la transition suggérée par Maïga n'est pas sans ambiguïté. Bien que l’appel à une transition plus inclusive soit légitime, le Premier ministre semble sous-estimer l'importance d’un retour rapide aux élections démocratiques. Le défi majeur reste celui de la crédibilité du processus électoral et de la capacité du gouvernement à organiser des élections libres et transparentes tout en mettant fin à l’insécurité dans plusieurs régions du pays.
4. Le M5-RFP : Un mouvement de transition ou un acteur politique durable ?
En tant que Président du Comité stratégique du M5-RFP, Dr Choguel Kokalla Maïga fait implicitement le lien entre la transition actuelle et les objectifs à long terme du mouvement. Le M5-RFP, qui a joué un rôle central dans le renversement de l’ancien président Keïta, pourrait bien chercher à tirer parti de la transition pour asseoir son pouvoir politique. Cependant, ce mouvement se trouve à un carrefour, entre la nécessité de remplir les objectifs de la transition et l’ambition de devenir un acteur politique majeur à long terme.
Ce double rôle du M5-RFP – à la fois acteur de la transition et mouvement politique – soulève des questions sur la manière dont il pourrait gérer les tensions internes au sein du gouvernement de transition, mais aussi sur son influence future dans la politique malienne après la fin de la transition. Le défi pour Maïga sera de naviguer entre la nécessité d'une réconciliation nationale inclusive et les ambitions politiques du mouvement, sans tomber dans l’écueil de la polarisation excessive.
En conclusion : une transition en quête de consensus
Le discours de Dr Choguel Kokalla Maïga est un appel à un consensus national et à une réorientation des priorités de la Transition. Tout en réaffirmant les objectifs de stabilité et de sécurité, il met en avant la nécessité d’un changement profond dans la gouvernance du pays, avec une attention particulière à l'inclusivité et à la justice sociale. Toutefois, ce discours ne résout pas les défis majeurs auxquels le Mali fait face, notamment la mise en place d'un cadre électoral crédible et la gestion de la transition politique dans un contexte de crise sécuritaire persistante.
Le véritable enjeu pour le Mali demeure la capacité du gouvernement de transition à transformer ces discours en actions concrètes, à concilier les aspirations du peuple malien avec les impératifs géopolitiques et sécuritaires, et à organiser des élections transparentes qui marqueront le début d'une nouvelle ère démocratique pour le pays. La route reste semée d’embûches, mais le leadership de Maïga et du M5-RFP pourrait bien être le catalyseur d'une transition réussie – à condition que la volonté politique et l’unité nationale soient au cœur de l’agenda à venir.
Assétou Diarra pour NouvElles du Mali