NouvElles du Mali est un site d’information dont la ligne éditoriale est dédiée aux thématiques féminines. On nous demande souvent si cela veut dire que nous ne traitons pas des sujets qui intéressent les hommes ? A ceux là nous répondons simplement que les sujets qui intéressent les femmes concernent plus les hommes. NouvElles du Mali existe justement pour apporter un peu d'équilibre dans le traitement des sujets liés au genre qui sont souvent peu estimés par les médias.
En exclusivité cette année, nous vous proposons votre nouvelle émission: A VOUS L'INFORMATION ! A vous l'information : votre émission qui va vous permettre de faire votre propre analyse des informations que vous rencontrez sur les réseaux sociaux.
NouvElles du Mali, L'information par les femmes et pour les femmes!
Sitan fréquentait l’école publique “Darsalam” au Quartier Missira de Ségou (ville située 230Km de Bamako la capitale malienne. Son école se trouvait à plus de 10 km de chez elle. A cause des retards dans le programme et du début de la période hivernale où l’école est très inondée, elle traversait la boue sale et les eaux usées pour se rendre en classe deux fois par jour. Paradoxe, chaque année la COP sur le climat se tient en ce mois de novembre mais les réalités de ces filles restent non changer.
Selon le rapport des Nations Unies (OCHA) 2021, parmi les zones les plus touchées par les inondations se trouvent les régions de Ségou avec 13 642 personnes touchées et Koulikoro avec 11 116 personnes touchées dont majoritairement des femmes et des enfants. Parmi ces populations déplacées, les filles sont potentiellement exposées à la déscolarisation.
Conduits par son Frère Moriba, nous arrivons chez Sitan Djiré, une jeune adolescente déscolarisée depuis quelques années déjà. Elle est souriante et presque gênée de notre présence chez elle. Assise sur une chaise métallique avec sur ses jambes son deuxième enfant, Sitan tresse les cheveux de sa maman.
Sitan fréquentait l’école publique “Darsalam” au Quartier Missira de Ségou (ville située 230Km de Bamako la capitale malienne. Son école se trouvait à plus de 10 km de chez elle. A cause des retards dans le programme et du début de la période hivernale où l’école est très inondée, elle traversait la boue sale et les eaux usées pour se rendre en classe deux fois par jour.
Il faut souvent chercher de l’eau potable à des kilomètres alors que les rues sont envahies d’eaux usées pouvant causer des maladies. Son amour pour l’école s’envola définitivement quand son père la donna en mariage. « J’avais honte du regard des autres élèves et je n'arrivais pas à concilier la vie familiale à celle de l’école » nous dit-elle.
Issue d’une famille démunie de sept enfants dont elle est l’ainée, Sitan aide sa mère dans les tâches ménagères, surtout en période hivernale où les travaux augmentent.
Les femmes sont impactées de manière disproportionnée par les changements climatiques et ces impacts touchent les femmes et les hommes de manières différentes.
Ce sont les arguments développés par Madame Modestine Victoire Bessan, spécialiste des questions environnementales et sociales lors de sa présentation sur les inégalités de genre, la dégradation de l'environnement, le Changement Climatique et leurs effets néfastes, en lien avec les droits des femmes lors du Webinaire "Women’s Edition" initié par le Population Reference Bureau (PRB).
Ces inégalités se traduisent par l’accès limité aux ressources naturelles tels que l’eau, le bois ; l’exclusion du processus de croissance, de décision ; l'accès très limité aux crédits ; l’augmentation de la pauvreté, des violences basées sur le genre (VBG); la détérioration de l’environnement, l’accès limité à l’éducation, soins de santé, justice, etc…
Dans le cas du Mali précisément à Koulikoro (région située à 50 Km de Bamako) et Ségou, Monsieur Ousmane Birama Konaté, ingénieur en environnement et développement durable est formel sur le lien qui existe entre les changements climatiques et la déscolarisation des filles. Monsieur Konaté, insiste sur ce lien surtout en milieu rural « bien sûr, car les changements climatiques accroissent la pauvreté ».
Pour lui, la dégradation des sols cultivables et les inondations sont des facteurs qui réduisent les rendements des populations rurales qui vivent de ces activités.
Face à cette situation, les populations priorisent l’éducation des garçons par rapport à celle des filles parce qu’elles sont prédestinées à être des femmes au foyer vivant au crochet de leur mari.
A ce jour aucune étude ne donne de chiffre avéré sur le nombre des jeunes filles déscolarisées dû aux effets des changements climatiques au Mali. Cependant sur les quatre écoles où nous nous sommes rendus, toutes enregistrent chaque année des abandons de jeunes filles.
Les raisons de cet abandon sont nombreuses parmi lesquelles on peut citer la détérioration des conditions scolaires et sociales due principalement à la pauvreté, aux grèves des enseignants et aux effets des changements climatiques notamment la dégradation des sols, les inondations et les grandes montées de chaleurs.
« Cette année encore nous avons eu trois cas de déscolarisation de filles » nous dit la Directrice de l’école “Fa Keita” du quartier Pelegana Nord à Ségou, Madame Aminata Coulibaly. « Quand on instruit une fille; c’est une famille et une nation qu’on éduque » continue-t-elle.
Il y a quelques années au Mali, la période de grande canicule démarrait de mars à avril pour se terminer en mai. Avec les changements climatiques, cette période a été rallongée d’un mois car déjà au mois de février il commence à faire excessivement chaud. Durant cette période, les délestages se font énormément sentir par les populations qui souffrent de la chaleur, du manque d’eau potable et des coupures d’électricité entraînant l'insécurité dans les quartiers.
Une situation que connaît bien la jeune Bintou Coulibaly. Elève brillante en 9ème année (4ème collège) de l’école “Fa Keita” du quartier Pelegana Nord à Ségou, Bintou vit seule avec sa grand-mère. « Je suis obligée de traverser l'eau sale de la cour inondée de mon école. Si je tombe malade, que fera ma grand-mère? »
C’est donc la peur au ventre que les élèves vont tous les matins à l’école craignant de ne pas contracter de maladies telles que les allergies de la peau et le paludisme dont les conséquences pourraient les contraindre à arrêter les cours.
Autre région, autre cas. Aminata Diarra est une jeune fille déscolarisée qui s’est arrêtée en 6ème année (CM2). Avant cela elle fréquentait le Groupe scolaire de Kayo dans la région de Koulikoro. Cette école est victime d'inondations graves provoquant la fermeture momentanée de l’école durant les périodes concernées. Aminata Diarra se dit très occupée par les tâches ménagères de sa mère qui est occupée par ses activités rémunératrices de revenus. Aminata s’occupe notamment de ses sœurs et frères, la cuisine, la vaisselle, le nettoyage et le linge. « C’est pourquoi j’ai arrêté l’école. Je ne veux plus y retourner », affirme-t-elle.
Les inondations détruisent les concessions de nombreux ménages qui se voient réorienter vers les écoles déjà inondées. Devant ces situations répétitives, le gouvernement s'est engagé à trouver des solutions palliatives soit en délocalisant les centres d'examens ou en ramenant du sable et du gravier avec l’aide des mairies locales pour rembourrer le passage dans la cour de l’école de façon à ce que l’école soit praticable.
Toujours en quête de solutions, d’autres partenaires notamment les organisations non gouvernementales (ONG) contribuent également auprès du gouvernement à travers des projets de soutien aux populations en vue de réduire le taux de déscolarisation des filles. L’un de ces projets en cours d’élaboration contribuera à la scolarisation et l’insertion professionnelle de beaucoup de filles, a confié le directeur du Centre d’Animation Pédagogique (CAP) de Ségou, Monsieur Drissa Traoré.
Une fois qu’elles ont quitté l’école, les jeunes filles semblent ne plus avoir aucune envie d’y retourner. Du moins s’il l’on se tient aux témoignages de la demi-douzaine de filles déscolarisées rencontrées à Ségou et Koulikoro.
Elles préfèrent s’orienter vers le commerce informel ou l’exode rural en tant qu’aide-ménagère dans la capitale à Bamako avec tous les risques d'insécurité que cela comporte. Ce fut le cas pour Sitan Djiré qui a fait quelques mois à Bamako pour préparer son trousseau de mariage. Après cette aventure, elle est de retour à Ségou où elle continue de vendre de petits articles pour s’en sortir.
Le même avenir se dessine pour ses sœurs. Gros yeux, aux allures sûres d’elle, Fatoumata Djiré, une des petites sœurs de Sitan âgée de seulement 11 ans nous lance en partant « Moi aussi j'ai quitté l’école l’année passée et j'étais en 5ème année ! »
Assétou Diarra pour Nouvelles du Mali.