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NouvElles du Mali, L'information par les femmes et pour les femmes!
« Je n’ai pas les moyens d’acheter chaque mois la pilule à 1000Fcfa au lieu de 100F. Si je ne veux pas tomber enceinte, je suis obligée de m’approvisionner au niveau des pharmacies par terre », nous lance de passage Mme Traoré Rokiatou, à la sortie de la pharmacie Keba.
Le Mali a l’instar des autres pays de l’Afrique de l’ouest, a été touché par la COVID-19. Il a enregistré son premier cas confirmé en fin mars 2020. Depuis lors, cette pandémie a bouleversé le quotidien des Maliens à travers la mise en vigueur des mesures et gestes barrières. Si le pays a été relativement épargné par rapport à l’augmentation du nombre de cas confirmé de COVID-19, il n’en demeure pas moins, qu’il risque d’avoir moins de chance concernant les répercussions sur les problèmes de santé sexuelle et reproductive notamment la planification familiale.
Selon l’étude de Guttmacher (PFMR 2020) réalisé dans 134 pays à faible et moyen revenu, plus de 48 millions de femmes auront un besoin en contraceptifs non satisfaits et plus de 15 millions de grossesses non désirées sont à prévoir : tel est l’impact des perturbations des soins essentiels de santé sexuelle et reproductive liées à la pandémie à COVID-19.
Au Mali, ces effets se font de plus en plus sentir avec notamment la perturbation dans la chaine d‘approvisionnement de certains contraceptifs couramment utilisés par les populations. Quand on pose la question à des pharmaciens sur les raisons de la rupture de stock des contraceptifs, la réponse est toujours pareille : « nous ne savons pas ! »
Depuis le début de l’année 2020 et dans plusieurs pharmacies à Bamako, nous constatons une rupture de stock de certains contraceptifs féminins couramment utilisés par les populations. Les contraceptifs les plus concernés sont de la pilule "Pilplan D" et de l’implant "Confiance" qui sont subventionnés par l’Etat Malien et ses partenaires au développement.
Raison pour laquelle, leurs prix sont les moins élevés du marché car ils coûtaient en moyenne entre 100Fcfa et 250Fcfa.
Selon le Docteur Diarrahou Diarra, pharmacienne assistante à la pharmacie Keba : « nous recevons environ une dizaine de demande par jours que nous n’arrivons pas à satisfaire. Si bien que nous proposons aux patients d’autres contraceptifs disponibles mais qui ne sont pas subventionnés et donc qui coûtent plus chers notamment l’implant "SanayaPress" qui coûte en moyenne 1000Fcfa et la pilule "Adepal" qui coûte 1 075Fcfa. »
Face à cette situation, les populations désespérées se ruent vers les vendeurs non agréés de médicaments ou encore appelés les pharmacies par terre. Ils sont souvent installés sur une table en plein air dans un marché ou tout simplement ambulants avec leur seau de médicaments. Avec ces produits, il est impossible de savoir ni la provenance, ni les conditions de transport et stockage qui doivent pourtant respecter des températures précises.
Malgré l’absence de garantie quant à leur qualité et aux dangers pour la santé, les populations face au besoin grandissant, n’hésitent pas à faire confiance à ces produits comme nous le témoigne Madame Fatoumata Diawara, une jeune dame mariée et mère de deux enfants ; venue consulter au centre de santé de référence du quartier du fleuve : « Je suis là pour voir si je ne suis pas enceinte. Je ne vois plus mes règles pourtant j’ai utilisé la pilule que j’avais acheté à la pharmacie par terre. J’espère sincèrement que je ne suis pas enceinte car mon dernier enfant à juste 5 mois. »
Pourtant ce business fait l’affaire des vendeurs de pharmacies par terre qui se frottent les doigts. Selon Madame Fatoumata Diakité, une vendeuse de pharmacie par terre qui exerce depuis plus de 10 ans au grand marché de Bamako (Artisanat) : « Actuellement, la pilule est beaucoup demandée mais elles manquent sur le marché, c’est d’ailleurs pourquoi le prix est passé de 100 Fcfa à 500Fcfa soit 5 fois plus.»
Pourtant les bienfaits de la planification familiale sont conséquents autant pour la santé de la femme et de l’enfant que pour la stabilité du foyer. Selon, Madame Rokiatou Tall, sage-femme au centre de santé de référence du quartier du fleuve : « La planification familiale permet à la femme de regagner sa forme physique et émotionnelle. En outre elle permet à la femme de mieux s’occuper du nouveau-né, en lui donnant le sein convenablement et en s’assurant sa bonne croissance. »
Même si dans les mentalités africaines, la planification familiale concerne surtout les femmes, il n’en demeure pas moins qu’ils sont de plus en plus nombreux ces hommes qui en font leur affaire car pour eux c’est beaucoup de dépenses en moins si madame n’a pas de grossesses rapprochées.
Selon Monsieur Koumaré Issa, patient, la quarantaine aux allures sûres de lui, à la sortie de la pharmacie Keba : « Chaque mois c’est moi même qui achète la contraception pour ma femme et je pense que tous les hommes doivent faire autant. Mais vraiment je demande aux autorités de faire un effort pour que l’implant soit disponible car ça manque. »
Les raisons de cette perturbation liée au COVID-19 sont diverses notamment, la suspension des services de planification dans certaines zones, la peur des patients à aller au centre de santé et les perturbations dans les chaines d’approvisionnement des contraceptifs qui sont pour la plupart fabriqués dans les pays asiatiques qui étaient fortement touchés par la crise à COVID 19 depuis Novembre 2019.
Selon DKT WOMENCARE, une filiale de DKT Internationale qui est une ONG à but non lucratif spécialisée dans la distribution de produits de grande qualité de santé sexuelle et reproductive en Afrique dont le Mali, les problèmes rencontrés résident surtout dans le retard dans la production car la fermeture des usines chinoises ont été prolongée jusqu’au 10 février 2020.
En outre l’autre problème majeur rencontré est celui du transport avec la restriction aérienne et les aéroports fermés, certains produits ont dû être acheminés par fret maritime dans des containers frigorifiques car ils doivent être maintenus à une température fixe. L’implant par exemple, doit être stocké à 30° C. Ce moyen de transport en plus de sa lenteur a fortement impacté le coût qui est devenu plus élevé. L’exemple flagrant d’augmentation de transport est celui du LIBERIA où il y a eu une augmentation de 417% sur les frais de transport.
Quelques pistes de solutions …
Malgré la crise socio-politique que connait le Mali, le gouvernement et ses partenaires au développement durable ont initié une vaste campagne de sensibilisation à la planification familiale qui se déroule en ce moment même. La campagne se déroule dans les centres de Santé de référence tels que le Centre de Santé de Référence (CS Réf) « PMI central » ou dans les CSCom des quartiers et les régions. Dans tous ces centres de santé, la pilule est rendue gratuite. Cependant et à cause de la crise à COVID19, certains contraceptifs tel que l’implant n’est pas concerné par cette campagne et reste toujours payant et à faible stock. Pourtant il fait partie des contraceptifs les plus demandés par les patients.
Selon le plan d’Action National Budgétisé de Planification Familiale 2019-2023 du Ministère de la santé et de ses institutions partenaires, l’objectif ambitieux fixé a été d’augmenter le taux de prévalence contraceptive (TPC) moderne pour les femmes en âge de procréer de 16,4% en 2019 à 30% en 2023 pour les méthodes modernes. Avec les répercussions de la COVID19, ce taux pourrait être sérieusement menacé.
Concernant les autres contraceptifs tels que les préservatifs ou la pilule du lendemain ou encore appelée contraceptif d’urgence, ils ne sont pas concernés par la rupture de stock.
Selon le Docteur Diallo Aïché Diarra, déléguée médicale, chargée de la promotion d’une pilule du lendemain auprès des pharmacies au compte d’un laboratoire, « nous disposions d’un stock conséquent qui nous permettait de ne pas aller en rupture. De plus nous avons connu une baisse de la demande puisqu’il y a eu un arrêt des activités lié à la prise des contraceptifs d’urgence avec la fermeture des bars et night-club. »
Rupture ou pas rupture, une chose est sûre, la pandémie à COVID-19 laissera des traces indélébiles sur les populations, les prestataires et le système de santé sexuelle et reproductive. C’est pourquoi il est impératif que les populations prennent des décisions adéquates en faveur d’une meilleure santé et que les autorités se rassurent d’un meilleur accès aux produits et aux services.
Assétou Diarra Diallo pour Nouvelles du Mali