NouvElles du Mali est un site d’information dont la ligne éditoriale est dédiée aux thématiques féminines. On nous demande souvent si cela veut dire que nous ne traitons pas des sujets qui intéressent les hommes ? A ceux là nous répondons simplement que les sujets qui intéressent les femmes concernent plus les hommes. NouvElles du Mali existe justement pour apporter un peu d'équilibre dans le traitement des sujets liés au genre qui sont souvent peu estimés par les médias.
En exclusivité cette année, nous vous proposons votre nouvelle émission: A VOUS L'INFORMATION ! A vous l'information : votre émission qui va vous permettre de faire votre propre analyse des informations que vous rencontrez sur les réseaux sociaux.
NouvElles du Mali, L'information par les femmes et pour les femmes!
Ce 20 novembre 2024, la Chambre de première instance X de la Cour pénale internationale (CPI) a prononcé une condamnation à 10 ans de prison contre Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mahmoud, reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à Tombouctou, entre mai 2012 et janvier 2013. Cette décision s'inscrit dans un long processus judiciaire, marqué par des violences extrêmes à l’encontre
des populations de Tombouctou, dont les vies ont été bouleversées par la destruction de leur patrimoine culturel et les violations de leurs droits fondamentaux. Notons que la peine peut faire l'objet d'un appel devant la Chambre d'appel de la CPI par l'une ou l'autre des parties à la procédure.
Alors que la condamnation d'Al Hassan représente une avancée significative pour la justice, elle survient après une série de réparations collectives et individuelles accordées aux victimes par la CPI, à la suite d’une condamnation antérieure d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, en 2016, pour sa destruction systématique des mausolées de Tombouctou en 2012.
Si la sentence de M. Al Hassan ne marquera pas la fin de l'impact des crimes de guerre sur la ville, elle s'ajoute à un ensemble de mesures de réparation qui apportent, peu à peu, une forme de justice aux habitants de cette cité historique.
Réparations collectives et restauration du patrimoine encours
Le processus de réparation des victimes à Tombouctou a pris une ampleur inédite avec la mise en place de plusieurs mesures, allant bien au-delà des simples compensations financières. En octobre 2024, le gouverneur de la région de Tombouctou, Bakoun Kanté, a inauguré le monument «Louha », une œuvre mémorielle dédiée aux victimes des crimes commis par Ahmad Al Faqi Al Mahdi.
Située sur la place publique Diamane Hana, cette sculpture, symbolisant une tablette coranique, incarne la résilience de la communauté face aux attaques qui ont frappé non seulement leur culture mais aussi leur identité collective. Ce monument est l'un des résultats d'un long processus de reconstruction, qui inclut la restauration des mausolées et de sites sacrés détruits.
Les réparations n'ont pas seulement consisté à ériger des monuments. En effet, un des aspects majeurs de ce processus a été la reconstruction du patrimoine culturel de Tombouctou. Le mausolée du Cadi Cheick Mohamed Mahamoud Ben Cheick Al Arawani, qui avait été totalement détruit lors des attaques de 2012, a ainsi été reconstruit et remis à ses descendants en octobre 2024. Ce geste symbolique vise à restaurer non seulement un site, mais aussi la mémoire et l’honneur d'une communauté brisée.
Un soutien économique pour la reconstruction de la Ville
Outre la restauration du patrimoine culturel, la CPI a également ordonné des mesures socio-économiques pour compenser les pertes économiques résultant des crimes commis. Dans ce cadre, la Fondation CIDEAL a lancé une initiative visant à soutenir 42 projets de développement à Tombouctou. Ces projets ont été sélectionnés à travers un processus participatif impliquant les habitants eux-mêmes. Avec une enveloppe de 273 millions de francs CFA (environ 417 000 euros), ces projets visent à renforcer la cohésion sociale, à protéger l’environnement et à soutenir les secteurs économiques clés de la ville.
Parmi ces projets, une part importante est consacrée à la revitalisation des secteurs productifs, notamment l'agriculture, la pêche et l'artisanat, afin d'offrir aux populations un moyen de subsistance durable et de reconstruire le tissu économique de la région. Ces efforts visent à redonner espoir aux habitants de Tombouctou, qui ont souffert non seulement des destructions matérielles mais aussi des traumatismes sociaux et économiques qui en ont découlé.
Une réponse à la profanation : réconciliation et transmission du Patrimoine
Le 4 octobre 2024, une autre étape importante a été franchie avec l'inauguration d’une nouvelle salle au musée municipal de Tombouctou, dédiée à la mémoire des mausolées détruits. Cette salle abritera une exposition permanente qui permettra aux générations futures de comprendre l’importance de ce patrimoine culturel et religieux, et de transmettre cette histoire aux jeunes générations. Sane Chrfi, descendant d'Alpha Moya, une figure emblématique de Tombouctou, a exprimé sa satisfaction face à ces avancées : "La restauration de ce patrimoine est un soulagement, et une réponse à la souffrance ressentie par sa destruction. Ma famille et moi sommes désormais en paix avec notre histoire familiale et l’histoire de notre ville."
Ces projets de réparation, bien que significatifs, ne sauraient effacer le traumatisme causé par les événements de 2012. Ils représentent toutefois un pas vers la guérison collective, une reconnaissance du préjudice infligé à la communauté et un modèle de réparation pour les futures générations. Comme l’a souligné la juge Kimberly Prost lors de la détermination de la peine d'Al Hassan, "la justice n’est pas seulement une question de châtiment, mais aussi de reconnaissance des préjudices causés, et de mesures visant à réparer les torts."
Un modèle pour le futur : la lutte contre les crimes culturels
La condamnation d'Al Hassan s'inscrivent dans un cadre plus large de lutte contre les crimes culturels à l’échelle mondiale. Ce jugement est un signal fort pour ceux qui, par idéologie ou par désir de domination, choisissent de détruire des biens culturels comme armes de guerre. Les réparations ordonnées par la CPI, et notamment la restauration de l’héritage de Tombouctou, envoient un message clair : la communauté internationale ne tolérera plus les attaques contre le patrimoine culturel et religieux, et ceux qui s'y livrent devront en assumer les conséquences.
L’espoir d’un avenir meilleur pour Tombouctou
Au-delà des réparations matérielles, ce qui demeure essentiel pour les habitants de Tombouctou, c'est la reconstruction de leur dignité et de leur fierté collective. La ville, jadis érigée en centre intellectuel et culturel de l’Afrique de l’Ouest, commence à renaître de ses cendres. Même si la mémoire des souffrances endurées reste vive, les mesures de réparation, symbolisées par le monument Louha et les projets socio-économiques, offrent une voie vers un avenir plus serein et solidaire pour ses habitants.
En attendant, la communauté de Tombouctou continue de se relever. Grâce à la justice, à la solidarité internationale et à la résilience de ses habitants, elle reste un exemple de résistance face à l'adversité et un modèle de guérison après le crime.
Assétou Diarra pour NouvElles du Mali